|
|
Auteur |
Message |
Rafistoleuse Administrateur Inscrit le: 11 Sep 2013 Messages: 4 837
|
Posté le: Dim 7 Déc - 09:24 (2014) Sujet du message: Les Carré |
|
|
Dimanche soir.
« - Tiens, arrête toi c’est Cam !
- C’est qui ?
- Une pote.
- Genre.
- Une fille cool.
- Genre.
- Bon tu t’arrêtes ou quoi là ? Caaam !
- Ah salut ! Ça va Michel ?
- Ouais tranquille, tu veux qu’on te ramène un bout ? Propose Michel en ouvrant la portière.
- Euh ben ouais…
- A une seule condition ! S’oppose Joël. Tu dois répondre à cette question : un kangourou et un poisson rouge sont dans une montgolfière... qui a tué l'ours ?
Les deux frères sont pris d’un fou rire incontrôlable face à Camille, perplexe.
- Attends, je te raconte ! »
***
Dimanche matin.
Les Carré, vus de l’extérieur c’est un brouhaha qui rugit dans tous les sens, qui vibre très fort. Des voix d’un naturel haut-parleur, des réactions sonores exacerbées. Les Carré ne font pas dans la demi-mesure. Ils n’ont, heureusement pas tous hérité de la même puissance vocale, ce ne serait pas vivable. Les Carré ne sont pas forcément tous des Carré, mais on n’a pas besoin de graviter très longtemps autour d’eux avant de s’y sentir comme chez soi. Les amis des petits-enfants, les frères et sœurs des petites-amies, les cousins des cousins au deuxième degré, ils deviennent tous un bout de la famille. Instantanément. Il manque quelques étapes aux Carré. La politesse courtoise et coincée qui s’installe avant la convivialité, ils ne connaissent pas. Il n’y a pas de pataugeoire, c’est direct le grand bain. Aujourd’hui, c’est l’anniversaire d’un Carré alors c’est pique-nique dans la nature. Mais ce n’est pas vraiment une indication à prendre en compte car pour les Carré, tout est prétexte à pique-niquer. Un départ, le beau temps, un diplôme obtenu, la flemme de recevoir chez soi. Les Carré sont en grand nombre et le plein-air élimine bien des problèmes de logistique.
Ce matin, il a fallu décoller aux aurores pour réserver l’emplacement idéal. Une table en bois qui ne soit pas branlante. Un coin d’herbe assez vaste pour accueillir une petite quarantaine de personnes. Des arbres pour un peu d’ombre. C’est Joël et Michel qui se sont dévoués. C’est surtout Joël qui a sacrifié son frère Michel, encore assommé des heures passées en boîte de nuit la veille. Michel s’imagine pouvoir grappiller quelques minutes de sommeil, lunettes de soleil vissées sur les yeux adossé un tronc d’arbre. Mais ils sont très vites rejoints par le reste de la troupe. Les Carré arrivent par petits groupes, de trois, de cinq ou bien moins. Chaque petite famille a apporté à manger pour quarante personnes. L’organisation et la communication ne sont pas le fort des Carré, ce sont deux choses qui existent chez eux, mais de manière très aléatoire. Cela fait des décennies, qu’ils se promettent de mieux prévoir, de discuter avant, pour ne pas préparer de bouffe inutilement. Et c’est comme ça, qu’une fois de plus, ils allaient tous se retrouver avec des barquettes pour la semaine. A onze heures, ils commencent à boire. Des gobelets de punchs trinquent avec des bouteilles de bière, les Carré savent étancher la soif du sol. A quatorze heures, ils réfléchissent à ouvrir les marmites. Les gamins ont le ventre rempli de chips, et de sodas. Ils n’arriveront jamais au repas. Il digèrent déjà en sautant des branches des arbres. Les adultes ont ingurgité presque autant de cochonneries salées que leurs progénitures, mais ne se résigneront jamais à écouter leur estomac déjà bien calé. Une petite dizaine de caris et zambrocals ornent les nappes et les saisies, la table en bois ne suffit jamais. Les Carré préfèrent toujours faire trop que pas assez.
Joël, bien décidé à ce que son frère ne s’endorme pas, essaie de retenir son attention.
« Un kangourou et un poisson rouge sont dans une montgolfière... qui a tué l'ours ? Demande-t-il comme si c’était une énigme capitale à résoudre.
- L’éléphant ! Répond son frère sur le ton d’un Euréka enthousiaste. Il veut juste terminer la conversation, il se doute bien de ne pas avoir la réponse, mais c’est plus simple comme ça.
- D’accord, mais explique-moi pourquoi ! Ricane Joël qui n’est pas dupe du manège de son petit frère.
- Moi je sais !!! Intervient Damien, du haut de ses huit ans tout frais.
Joël amusé, et Michel soulagé que l’attention soit détournée de lui, écoutent attentivement leur petit cousin.
- Le Kangourou déjà il a une poche, mais il avait pas de bébé ce jour-là. Le Kangourou est une femme, j’ai pas dit. Elle est dans la forêt comme ça tranquille.
- Tu es sûr que ça vit dans la forêt un kangourou ? Taquine Brice, son père.
- Brice, tu vois pas qu’il invente une histoire ? Tu peux pas arrêter de brider l’imagination fertile de notre enfant ?
Irène est souvent dans le second degré, mais il arrive que non. Là en l’occurrence, le doute subsiste, même pour Brice, qui répond d’un rictus.
- Laissez-moi continuer mon histoire, déclare Damien, avec une autorité naturelle en décalage avec son jeune âge. D’ailleurs il a gagné. Les Carré sont maintenant tous suspendus à son histoire.
- Alors voilà. La Kangourou est dans la forêt.
- Tiens, on dirait un code. Attention, je répète, La-Kangourou-est-dans-la-forêt. Reçu 5 sur 5 chef, je vous envoie du renfort. Olympe part dans son délire sans se préoccuper de la parole qu’elle a coupé à son cousin. Elle ponctue sa petite intervention d’un rire plutôt court étant donné le silence autour.
- Je continue. Persiste Damien, persuadé que son histoire vaut le détour. La Kangourou est dans la forêt. Elle fait sa balade matinale, en sautant. Elle fait des bonds, des bonds, des bonds, des bonds…
- Ouais ouais, elle saute quoi. Interrompt sa tante Marie-Claudine, un peu sèchement, tout en malaxant son gobelet, sec depuis trop longtemps.
Les rires gras de Paul, Florence, et Thomas laissent entendre un double sens à sauter que leur toute jeune adolescence excuse un peu.
- Elle saute pendant des heures et s’enfonce dans les profondeurs de la forêt.
- Humide la forêt non ? Intervient Thomas, en feignant de parler fort. Il est fier de faire rire ses compères mais pas au point d’assumer devant papa-maman-grand-mère.
Le petit trio continue sur sa lancée. C’est foutu. Quoi que Damien puisse raconter comme histoire, la double conversation est ouverte pour de bon. Les doubles conversations, c’est le passe-temps favori des Carré, en général. - La forêt est sombre, continue Damien. Parce que les arbres sont grands, la Kangourou elle fait des grands sauts pour voir le ciel.
- Pour atteindre le septième Ciel ?
Cette fois la voix de Thomas es arrivée aux oreilles de tous. Florence et Paul se fichent de lui doucement.
- Non le premier déjà elle ne l’atteint pas ! Répond Damien sur le ton de l’évidence.
- Oh il est mignon ! S’exclame Tante Ginette.
- Donc elle atterrit dans une flaque d’eau. Il a plus hier.
- Ben non ! Se réveille Michel.
- Hier dans mon histoire, pas dans la vie. Tu comprends rien ! S’agace Damien.
- Bon allez, tout le monde le laisse raconter sa putain d’histoire là… Denise essaie tant bien que mal d’aider son neveu.
- Maman, t’as dit P.U.T… S’emballe Evan.
- Et MERDE ! S’enfonce sa mère, au bout du roulot.
- Et là tu viens de dire … Renchérit-il avec le sourire aux lèvres, et les dollars dans les yeux. - Fiston, tu te tais, c’est dimanche et on est en plein air, la boîte à gros mots ça marche pas ici. Non mais ?!
- Bien essayé, mais envoie la monnaie.
- On échange contre une tâche ménagère que tu ne seras pas obligée de faire.
- Ok ça me va !
- Je t’autorise à ne pas débarrasser et faire la vaisselle aujourd’hui.
- Mais on a des couverts jetables !
- Fils, tu t’es fait arnaquer, ta mère est trop forte pour toi.
- EH OH ! S’énerve Damien.
- Taisez-vous, tous ! S’écrie Joël pour venir à sa rescousse.
- Elle saute dans une flaque et là…
- C’est le drame ! Chuchote Florence sans que personne ne l’entende.
- Un poisson rouge saute dans sa poche. Le poisson rouge se baignait dans la flaque mais la puissance de la kangourou…
- Putain j’entends Kangoo rouge, à chaque fois. Lance doucement Paul, à ses voisins.
- Et là…
- C’est le.. Florence ne peut pas s’empêcher, c’est sytématique.
- Flo t’es relou..Se plaint Paul ouvertement.
Damien, toujours pas décontenancé, continue sans plus se soucier de ce qui se dit autour.
- Et là, la Kangourou saute si haut qu’elle dépasse les nuages et atterrit dans une montgolfière. Le poisson est toujours dans sa poche.
- Oui, mais l’ours dans tout ça, qui l’a tué ? L’embête Joël, persuadé que le petit a perdu le fil de son histoire.
- Ben le chasseur ! Répond Damien atterré.
- Ben oui, voyons Joël, c’est évident !
- Autant pour moi ! Sourit-il. Eh bien bravo tu as trouvé la réponse !
- Je le savais ! Déclare l’enfant, sûr de lui.
- Tu connais les Wriggles ? Tente Anna, sans trop d’espoir.
- Wiggle wiggle wiggle ! Prononce Thomas avec un accent anglais méconnaissable.
- Toutouti tiouou tiouou tiou ! Reprennent en chœur Florence et Paul.
- Euh… Anna reste consternée.
- Jason Derulo tu connais pas ?
- Nope.
- Du coup tu parlais de quoi toi ?
- Monolithe, des WRiggleS !
- T’façon t’écoutes que de la merde toi. Balance Nicolas, gratuitement.
- Naaaaan, elle est juste bizarre, Interfère Florence. Mais on t’aime quand même Anna.
- Hin hin. Va te faire voir ! Lui sourit sa cousine.
- Bon mais du coup, quelqu’un a une autre idée de réponse ? Relance Joël, en se marrant.
- Si on pense a l’argot, au kangourou, signifie voler dans les magasins. Après Etymologiquement parlant…
- Oh my god, on est foutu, vite stoppez-le- avant qu’on se noie tous ! Capitaine vous m’entendez ?
- Etymologiquement parlant donc, reprend Bernard, impassible. Il y a une légende qui dit que Kangourou vient de gangurru, et voudrait dire « Je ne comprends pas »
- Ah ah ah ! Éclatent les Carré.
- C’est pas drôle. Se vexe Bernard.
- Si si, profite c’est ton moment de gloire, frérot ! Tu ne seras peut-être plus jamais aussi drôle !
- Après techniquement parlant, qui a fait démarrer la montgolfière ?
- Ton moment est passé Bernard.
- Nan mais Joël, du coup c’est quoi la vanne ?
- Ah, y en a pas ! Déclare-t-il, pas peu fier. C’était juste une connerie qui m’est passé par la tête.
- Tout ça pour ça. Heureusement que c’est ton anniversaire ! Ça te fait quel âge déjà ?
- 31.
- Ah ouais, quand même.
Les rires repartent de plus belle. Pas de meilleur moment pour embrayer sur la découpe des huit gâteaux d’anniversaire. L’oncle Phil a empoigné sa guitare, accompagné par Michel, légèrement zombie. Les tantes se disputent le choix du couteau pour ne pas abîmer le Tefal des moules. C’est le coucher du soleil qui les poussera à remballer, à contrecœur. Il est toujours trop tôt pour se quitter chez les Carré.
***
Lundi matin.
« - Salut les gars ! J’ai une devinette pour vous : un kangourou et un poisson rouge sont dans une montgolfière... qui a tué l'ours ?
- T’es débile !
- Un peu ! Lui adresse Michel d’un air complice, en arrivant dans le dos de Camille.
- Michel ! » Lui sourit cette dernière.
Tous les deux s’éloignent naturellement du petit groupe.
Les Carré, vus de l’intérieur, c’est un peu la maison du bonheur. _________________ Rafistoleuse |
|
Dim 7 Déc - 09:24 (2014) |
|
Auteur |
Message |
ATea Plumivores
Inscrit le: 18 Sep 2013 Messages: 946
|
Posté le: Jeu 11 Déc - 02:52 (2014) Sujet du message: Les Carré |
|
|
Les réunions de famille... Je déteste ça. Mauvaise ambiance, hypocrisie. Ouais, un sale tableau hein?
Mais ça, c'était avant (J'vous jure que si vous pensez à la pub, et que vous le redites avec le bon ton, je vous annonce que vous êtes intoxiqués (Ouais comme moi)) donc bref, ça c'était avant de lire ta scène de famille. Fraîche, amicale, joviale.
C'était un joyeux bordel et ça sent le printemps, l'été, les repas sur la terrasse ou n'importe où dans un pays de Détente et de Plaisir.
C'était super agréable. Merci Rafi pour ce chouette moment.
(Les dialogues aident à ne pas trop utiliser la contrainte hein ) _________________
|
|
Jeu 11 Déc - 02:52 (2014) |
|
Auteur |
Message |
Rafistoleuse Administrateur Inscrit le: 11 Sep 2013 Messages: 4 837
|
Posté le: Jeu 11 Déc - 03:43 (2014) Sujet du message: Les Carré |
|
|
Mo, je suis ravie que tu te sois sentie chez toi, je crois que je me suis sentie chez moi aussi, en écrivant ce texte Je n'ai pas échappé à mes classiques comme tu vois
Atea, j'ai une mauvaise nouvelle. Je suis intoxiquée Si j'ai pu changer un tout petit peu ta vision des réunions de famille alors j'en suis très contente, sincèrement !
Et par rapport aux dialogues, on va dire que je me suis emportée et que ça m'a pas plus choquée au final. Si tu veux j'ai d'abord écrit la partie narrative, et ensuite quand je suis arrivée aux dialogues ben j'ai pas réalisé la longueur, je me suis laissée portée. Au final oui, quand on voit les proportions c'est pas hyper équilibré. Mais sache que, e n'était pas une volonté de facilité, les Carré je suis intarissable sur eux, mais c'est tellement moins drôle de les lire en narration. J'ai privilégié le côté vivant ^^
Brefouille, merci à toutes les trois, ça me fait super super plaisir _________________ Rafistoleuse |
|
Jeu 11 Déc - 03:43 (2014) |
|
Auteur |
Message |
ATea Plumivores
Inscrit le: 18 Sep 2013 Messages: 946
|
Posté le: Jeu 11 Déc - 03:49 (2014) Sujet du message: Les Carré |
|
|
Rafistoleuse a écrit: | Mais sache que, e n'était pas une volonté de facilité, les Carré je suis intarissable sur eux, mais c'est tellement moins drôle de les lire en narration. J'ai privilégié le côté vivant ^^
|
Ah bin, non mais je te dis ça parce que, comme tu l'as remarqué sur mon texte, je me suis mise la contrainte. Bon j'me suis pas fouettée non plus hein...
Pour autant et c'est ce qu'il y a à retenir donc je vais le mettre en gras, et en gros,
j'ai adoré que tu laisses ce Vivant t'emporter parce que nous, ça nous plait bien tout ce que tu nous fait vivre.
(Ouais, quand je dis les choses, je les fais ^^ ) _________________
|
|
Jeu 11 Déc - 03:49 (2014) |
|
Montrer les messages depuis:
|
|
|
|
|